Le camp de la lande en indre-et-loire
A la fin de 1941, le Centre d'Accueil de La Lande (Commune de Monts) deviendra un camp d'internement parmi tant d'autres en métropole et en Afrique du nord
Le 4 décembre 1940, quelques semaines après la première ordonnance allemande, le premier contingent d’étrangers, dont une majorité de 149 Juifs environ, parmi 300 refoulés de la Gironde sur l’ordre des Allemands, arrive à Tours, loin de la région côtière. Ils sont tous assignés à résidence, la plupart au Camp de La Lande à Monts tandis que quelques familles qui en ont les moyens pourront habiter dans les villes et villages des environs. Monts se trouve dans la zone occupée, à 15 km au sud de Tours et à 18 km au nord de la ligne de démarcation qui coupe en deux le département d’Indre-et-Loire.
Pour les membres de ce contingent, il s’agit du deuxième exil en un temps très court. Dès la déclaration de la guerre, le 1er septembre 1939, les autorités françaises avaient ordonné une évacuation massive des habitants de la zone de combat au long du Rhin. Ce mouvement de population durera jusqu’en juin 1940. Bordeaux avait été désigné comme refuge pour une partie des habitants de l'Alsace-Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, et la préfecture de la Gironde veillera à ce que le contingent du 4 décembre soit composé d’un bon nombre de réfugiés de cette zone dont beaucoup se connaissaient déjà depuis longtemps. Les Juifs qui habitaient les grandes villes avant la guerre recréeront une version de leurs communautés originales avec les moyens du bord.
Le Centre d'Accueil
Le Centre d’Accueil de La Lande, comme on nomme d'abord le camp sur les enveloppes des lettres et sur les cartes postales, est un camp sans barrière, avec le seul devoir de pointage biquotidien, matin et soir. Dans son rapport de visite en date du 12 décembre 1941, André Jean-Faure, l’Inspecteur général des camps d’internement, nous donne une courte description de l’endroit :
Le Camp de La Lande situé sur le territoire de la commune de Monts a été édifié, comme certains autres de la région, pour recevoir un millier de travailleurs annamites militarisés de la poudrerie de Ripault, dont les vastes installations s’étendaient sur plusieurs kilomètres en bordure de l’Indre.
(Notons que le Centre d'Accueil vient de devenir un Camp d'internement lorsque Jean-Faure écrit ces lignes)
Les Annamites, un nom dérivé de la région indochinoise de l’Annam, était à l’époque un nom commun donné aux Indochinois qui avaient été mobilisés dans leurs pays pour venir remplacer en France les travailleurs qui venaient d’être envoyés au front. Cette mobilisation s’appuyait sur une instruction ministérielle de 1934 qui prévoyait la création, en cas de conflit, d'un service de la Main-d'œuvre indigène (MOI [1]) rattaché au ministère du travail.
Au moment de la défaite, avant même l’occupation des nouveaux bâtiments, la poudrerie Ripault est occupée et désactivée par les Allemands qui la rendront aux autorités françaises en août 1942 et ordonneront alors sa remise en service. Lorsque les Allemands refoulent les étrangers juifs et non-juifs de la zone côtière atlantique le 4 décembre 1940, La Lande est alors disponible pour les recevoir. La préfecture va utiliser ce site composé de bâtiments en dur pour accueillir les premiers refoulés sous l’œil vigilant de la Kommandantur de Tours. C’est ainsi qu’est né le Centre d’Accueil de La Lande, un lieu français d’internement. Comme nous le montrerons, ce centre deviendra une plaie ouverte dans les relations franco-allemandes en Indre-et-Loire.
Le Camp de La Lande va devenir un piège franco-allemand
C’est au cours de 1941 que les autorités allemandes durciront progressivement leurs exigences, et au début décembre 1941, un an après leur arrivée en Indre-et-Loire, les résidents juifs du Centre d’Accueil, capables jusque-là d’aller et venir sur le territoire de la commune de Monts, deviendront les internés du Camp de La Lande. Séparés des Juifs et hébergés hors des barbelés, le nombre des résidents non-juifs ne cessera de décroitre à partir de ce moment-là ; il en restera 17 en mai 1942 [2]. Le Camp de La Lande servira alors essentiellement à l’internement et à la déportation de Juifs.
Pendant l'été de 1942, le camp verra une nouvelle vague d'internement de Juifs arrêtés à la ligne de démarcation traversant l'Indre-et-Loire, alors qu'ils tentaient d'échapper à la chasse aux Juifs en cours dans la zone occupée.
Le bilan
En contraste avec la réalité hors des camps, les intentions annihilatrices ont été amplifiées au Camp de La Lande où seulement 3.5% des 742 internés de 1942 survivront. Ce minuscule taux de survie est évidemment caractéristique de l’internement. L’annihilation massive des internés de La Lande met en évidence le rôle prépondérant des autorités locales françaises et allemandes. En 1942, le préfet Jean Tracou et le lieutenant Georg Brückle, chef local de la SiPo-SD (Sicherheitspolizei-Sicherheitsdienst ou Police de sécurité-Service de sécurité), ont veillé de concert à la liquidation progressive du Camp de la Lande en organisant cinq départs pour la déportation entre la fin juin et la mi-octobre 1942 :
Le 29 juin : 12 hommes
Le 16 juillet : 133 adultes et adolescents (quinze ans et plus)
Le 4 septembre : 422 adultes et leurs enfants
Le 21 septembre : 4 vieillards, 10 grands malades, 7 femmes enceintes, 78 enfants seuls
Le 13 octobre : 50 adultes, la plupart âgés, et 19 enfants
[1] A différencier de la Main d’œuvre Internationale, un mouvement ouvrier socialiste qui se distinguera dans la Résistance
[2] AD37_52W13 (0060 et 0061), Archives départementales d'Indre-et-Loire