Paris, le 4 octobre 1942
Mon petit Jo adoré,
Je suis de retour à Paris avec le cœur bien triste mais j’ai confiance en l’avenir.
Aujourd’hui je vais t’envoyer un colis avec le pull-over bordeaux, 1 béret, 1 brosse à dents et un peu de provisions.
Petit Jo chéri, je suis ta femme et je ne veux pas que tu me dises des choses tristes.
Je ne t’oublierai jamais. Je t’aime plus que tout au monde. Pense beaucoup à moi. Je ne vis que pour toi.
J’ai vu un de tes camarades qui t’a envoyé un colis de fruits. Il n’a pu t’envoyer autre chose. Ici tout le monde va bien. Mes parents pensent beaucoup à toi.
Mes petits « quiqui » aussi ont l’air de s’ennuyer de leur « maître ».
Jo, mon grand chéri, pense à toi. Ne te décourage jamais.
Tu es bon et brave. Dis-toi que dans la vie, tu en seras récompensé.
Je m’occupe toujours pour toi. Je ne t’abandonne pas à ton sort.
L’autre jour lorsque je t’ai aperçu j’étais à la fois la plus heureuse des femmes et la plus malheureuse. J’avais le droit de te voir 10 minutes mais hélas, on ne m’a pas autorisé à la prison. Enfin, je t’ai aperçu. C’est déjà beaucoup. Il ne faut pas demander beaucoup à l’existence en ce moment.
Mon ange chéri courage et patience. Tout s’arrangera.
Petit trésor donne-moi des nouvelles le plus vite possible. Je me fais beaucoup de mauvais sang. Je suis comme une folle. Comme tu me le dis : je travaille toujours et je vais travailler encore plus.
Tout cela c’est pour toi, mon beau petit amour.
Envoie ton linge sale pour que je t’en envoie d’autre propre.
Aujourd’hui dimanche, je suis restée à la maison. J’ai beaucoup pensé à toi en cette triste journée.
J’ai beau faire des prières ; le bon dieu ne m’exauce pas. Cela me désole. Je ne sais plus vers quel saint me vouer.
Ne te fais aucun mauvais sang petit chéri. Je suis là, je t’aime et je ne cesse de penser à toi.
Maintenant, je vais clore cette lettre car il est 11 heures et mes yeux se ferment.
Je vais certainement verser quelques larmes en pensant à toi et puis m’endormir comme une bête.
Donc mon grand trésor je t’embrasse longuement.
Tout l’amour de ta petite femme se donne à toi.
Ta petite Gisèle